Visages et Vestiges de la Grande Guerre, Didier Pazery
Depuis plus de 20 ans, Didier Pazery a réalisé un ensemble unique de photographies d’hommes, d’objets et de paysages liés à la Grande Guerre. Il a notamment été l’un des rares photographes à saisir les visages des ultimes survivants du conflit. Après la disparition du dernier Poilu, il a poursuivi sa recherche en photographiant les objets du Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux et les champs de bataille de l’ancien front.
La notion d’empreinte, de trace, sous-tend tout l’œuvre du photographe. Eclats de métal affleurant des dizaines d’années après la blessure sous la peau parcheminée d’un vieil homme, obus et grenades non explosés qui refont surface sur l’ancienne ligne de front… Mélange d’émotion et de rigueur documentaire, les photographies de Didier Pazery sont des récits qui se répondent, une mise en abîme de l’histoire de la Grande Guerre.
Ce travail photographique est exposé du 23 juin au 31 novembre 2014 à la gare de l’Est à Paris, ainsi qu’à Altkirch, du 10 octobre au 14 novembre 2014.

RRené Auguste Vincent, engagé volontaire dans l’armée française en 1914.
« « Le 30 juillet 1914, je décidai de quitter Metz avec trois de mes amis pour rejoindre Verdun et m’engager dans l’armée française. Je ne me doutais alors pas que mes parents seraient emprisonnés à cause de notre départ ».
Albrecht Scharpff, engagé volontaire dans l’armée allemande en 1914.
« Avant 1914, nous étions heureux… mais nous ne le savions pas. Il régnait une atmosphère « nationale », un « esprit nationaliste » dirait-on aujourd’hui, qui m’apparaît maintenant incompréhensible ».
Djibraïl Nazare-Aga, engagé volontaire en 1916 dans l’aviation française.
« Au retour d’une mission, je me retrouvai isolé du groupe et pris en chasse par sept Allemands. Mon observateur en descendit deux et je parvins à atterrir, après le combat, avec un avion complètement démoli, me posant sur une roue ».
Jouets issus de l’artisanat populaire : un canon réalisé avec les restes d’une fusée éclairante, d’un obus et de cartouches, ainsi qu’un soldat en bois fabriqué par des blessés. Réserves provisoires du futur Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux en 2011.
Raymond Abescat, mobilisé en 1914.
« Ça crépitait dans tous les coins en essaims métalliques sifflants et bourdonnants. J’ai vu des camarades fauchés geindre, la tête dans l’herbe, sans que les brancardiers ne puissent les atteindre. Partout des gémissements horribles… ».
Abdoulaye N’Diaye, enrôlé en 1914 dans l’armée française.
« Il y avait près de moi un homme aux jambes cassées, et un autre dont il fallait coudre le ventre, du fait qu’il avait les intestins pratiquement dehors. Enfin, le médecin pansa ma blessure et dit : « La balle est encore dans ta tête, mais dès que tu te rendras à l’hôpital, on te l’enlèvera ».
Hans Lange, mobilisé dans l’armée allemande en 1917, rendu aveugle par une grenade en 1918.
« La nuit, une silhouette m’apparaît, parfois celle de quelqu’un que je connais, elle se tient devant moi et soudain… Depuis toutes ces années, cette grenade n’en finit plus d’exploser. Je crois que j’ai longtemps attendu la visite du français qui m’avait blessé ».
Franck Buckles, engagé volontaire dans l’armée américaine en 1917.
« Vous foncez sur une tranchée, un homme git au fond. Vous mettez votre ceinture autour de l’un de ses bras, vous vous allongez à côté de lui, à l’horizontale, et le vous retournez pour le placer dans votre dos. S’il est face contre terre, un homme peut se relever avec un poids important ».
Abramo Pellencin, mobilisé dans l’armée italienne en 1915.
« Quand on ne peut plus lutter, de dégoût, vlaam ! On s’effondre par terre. On a les mains terreuses et la boue se met sur les yeux, dans les oreilles, ça ne s’arrête plus. Quelle vie, mon Dieu ! On finissait par tomber à même le sol, dans un trou d’obus ».
Norman Edwards, engagé dans l’armée des volontaires anglais en 1914.
« Des projectiles diaboliques annoncèrent leur arrivées par un crépitement de petites explosions puis par des « Whish ! Whish ! Whish ! Ding ! éclatant en de multiples billes assassines qui se logeaient dans tous les coins : les shrapnels ».
Ivan Timofeivitch Bulychev, engagé à 16 ans dans l’armée Russe pour suivre une formation d’officier.
« Nous étions disciplinés, mais surtout nous voulions préparer la véritable Révolution, celle dont le foyer se trouvait à Saint-Pétersbourg. C’est pour cette raison que nous nous sommes battus si férocement. Nous voulions tout faire pour éviter que Saint-Pétersbourg ne tombe aux mains des Allemands… ».
Joséphine Lebert, infirmière à l’Hôtel-Dieu de Marseille entre 1914 et 1919.
« Un jeune homme avait eu la face complètement arrachée. On le nourrissait avec des aliments liquides par un trou dans la gorge, car il n’avait plus de mâchoire ni de bouche. Notre chirurgien avait essayé de reconstituer son visage avec des morceaux de chair et de peau prélevés sur les fesses ».
Louis de Cazenave, engagé volontaire en 1916.
« Au point d’eau du Chemin des dames, nous croisions parfois des allemands venus remplir leurs bidons. Lorsqu’ils étaient là les premiers, on attendait qu’ils aient terminé pour s’approcher. Ils faisaient de même. C’était de pauvres types comme nous, qu’on avait envoyés se faire tuer, comme nous ».